Un départ en douceur

 

Départ de Quimper le 14 avril en co-voiturage. Cette fois-ci je ne lèverai pas le pouce, sans doute par peur de réitérer un échec cuisant au départ de la capitale finistérienne. Je mets donc le cap sur Rennes pour saluer quelques camarades. Le dialogue s’instaure dans l’auto qui vogue paisiblement vers l’Ile-et-Vilaine et les passagers établissent un parallèle entre moi et Emil Hirsh, héros malheureux d’Into The Wild. La comparaison, flatteuse, n’empêche pas ma gorge de se nouer quand je songe à l’épilogue funeste du dit héros. L’arrivée dans la capitale bretonne se solde par une partie de pétanque, des bières décapsulées et une pizza goulûment avalée en compagnie du vieux Max.

 

Le lendemain, je décide de partir à l’aube. Novice en matière de stop, je suis assez excité par la suite des événements. Combien de temps faudra-t-il pour qu’un véhicule daigne s’arrêter ? Un bus me dépose dans une zone industrielle qui jouxte l’autoroute. Selon Htichwiki, on ne peut rêver d’un meilleur endroit pour alpaguer les automobilistes. Après avoir copieusement mouillé mes pieds dans des champs détrempés, j’atteins finalement la voie rapide. Je n’attendrai pas longtemps : un quart d’heure aura suffit pour que ma carcasse soit déposée sur une aire d’autoroute où j’entreprends de quémander le voyage à des chauffeurs.Trois voitures, pour moins de cinq heures de trajet, m’ont permis de gagner Paris. Un banquier, un ancien militaire et un exportateur de mobilier. Outre le fait qu’il m’accepte dans leur morceau de métal posé sur quatre roues, ces-derniers ont en commun d’être des hommes. Les conversations tournent légitimement autour d’immobilier, de guerre et de diverses expériences de la vie. Celles qui burine. La conversation, rythmée, me permet d’avaler les kilomètres sans crier gare. A l’issue de ce trajet une question m’interpelle, comment cela se passera t’il quand les chauffeurs tailleront la bavette en croate ?

 

Bien qu’habitué des riboules parisiennes, y passer une semaine me donne à voir un autre visage et ne pas être forcé de reprendre le train 2 jours après mon arrivée – pour retourner au travail – est tplutôt joussif. Pour l’heure, quand l’on me demande si il ne m’est pas étrange de ne plus avoir d’activité professionnelle ou de rythme établit, la réponse est sans équivoque. De bonnes bouffes en concerts et de balades en soirées, la semaine est tantôt reposante, tantôt éprouvante, mais quel plaisir de revoir les copains une « dernière fois ». Après une soirée dont je me souviendrai et un peu de repos bien mérité c’est reparti, direction Lyon.

 

Plus d’un heure de transport en commun avant d’atteindre la si recherchée station essence. Après quelques essais infructueux, c’est un routier qui vient me voir pour me demander où je souhaite me rendre. Il va aussi à Lyon. Il a 30 ans et est sur la route depuis 10 ans. Celui-ci m’annonce d’emblée et sans préambule qu’il est fan de Berlusconi :« Mais pas pour sa politique. Pour sa classe, pour son pouvoir, pour son fric ». Les heures passent et l’enchaînement de ses idées manque de plus en plus de liant. Nous passons tous les clichés en revue, malheureusement déjà entendus à maintes reprises .

Nous commençons classiquement par les si médiatisés profiteurs du RSA qui ne veulent pas travailler et qui coûte tellement cher à la société. Il est en effet compréhensible que 8 ans sans vacances puisse aigrir – il a trop peur que quelqu’un d’autre prenne son camion et le salisse (il m’a demandé d’enlever mes chaussures en rentrant dans la cabine). Nous passons bien entendu par un sujet non moins d’actualité : les homos. « Je ne comprends pas que l’on puisse leur faire du mal, moi je ne leur ferai jamais rien. Mais ce qui m’énerve le plus, c’est le folles.». Et un peu plus tard « Je ne sais pas comment je réagirais si mon fils m’annonçais qu’il était homo, mais vraiment, je n’ai rien contre eux, et même les lesbiennes, ça m’excite ». Il conclut son amas d’inepties par cette phrase dépassant tout ce que j’aurais pu imaginer : « Ouais, mais de toute façon faut jamais être extrémiste : extrême droite / extrême gauche, musulmans / chrétiens, drogues ! ». Cette rencontre hors norme (peut-être pas tant que ça finalement) m’a permis de réaliser une fois de plus à quel point l’inculture et la bêtise pouvait être présente au sein de notre si chère démocratie.

 

 

La découverte de Lyon, entre short et k-way, m’a enchanté. Je ne devais y rester que 2 3 jours mais de justifications en retards j’y ai passé presque une semaine, arpentant la ville depuis pare-dieu jusqu’à la Croix Rousse en passant par le vieux Lyon. Là encore, des journées ensoleillées et des soirées endiablées rythment ce séjour dans la capitale des bouchons.

 

Je finis finalement par quitter Lyon, et par là même la France le dimanche 28 avril destination l’Italie. Premier stop à Turin.  Un polonais me permettra de sortir de l’agglomération, et après m’être gentillement  fait sortir des barrières de péages où je présentais nonchalamment une pancarte indiquant « CHAMBERY », je trouverai rapidement de quoi passer la frontière et me ferai déposer au beau milieu du périphérique. Après être sorti trempé des pieds à la tête de la zone industrielle je me rendrai en bus, puis à pieds, et toujours sous une pluie battante à la rencontre de mon premier hôte couchsurfing, australien de son état. La suite au prochain épisode.

 

J’en profite pour remercier très sincèrement tous ceux qui m’ont permis d’avancer (voire de réfléchir à l’occasion), de dormir, et d’apprécier ces « derniers moments français ». Et également un bon ami pour son sens de la formule.

 

03/05/2013

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2 réactions à Un départ en douceur

  1. Elodie a écrit:

    Wha ! Quelle prose !
    C’est très agréable à lire.
    Bon voyage

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