L’hospitalité iranienne, entre tradition et ouverture

 

Le retour à Yerevan, le temps de poser un peu les valises après les folles aventures dans le Nagorno-Karabakh marquera aussi la fin du périple avec Elena, mon amie géorgienne. Après une semaine de repos, c’est reparti. Direction l’Iran. Je pensais passer la frontière 2 semaines après l’obtention du visa obtenu à Trabzon. C’est finalement après plus de 2 mois à naviguer dans le Caucase que j’arrive en Iran. Plus le voyage avance et plus il semble se rallonger, au même rythme qu’il se ralentit.

 

Je crois que je n’arriverai jamais vraiment à voyager seul. Entre la capitale arménienne et la frontière c’est à Goris que je rencontre Marysia, polonaise qui voyage depuis 6 ans autour du monde. Ayant tous deux décidés de débuter notre vadrouille iranienne à Tabriz, c’est ensemble que nous nous y rendons. Et c’est finalement de Tabriz à Rasht, d’Abhar au Howraman, d’Isfahan à Shiraz, de Kerman à Yazd et de Kachan à Téhéran que nous cheminons au travers des paysages de la verte montagne de la mer Caspienne aux plaines du désert de Lut, et visitons les Azéris, les Kurdes, les Lors et les Baloutches, autant d’ethnies cohabitant au sein de la même nation et ayant chacune leur identité, leur culture et leur langue. Pour autant une constante nous rappelle inlassablement que nous sommes bien en Iran ; les « Hello ! », « How are you ?» et « Where are you from ? » qui pleuvent à longueur de journée, auxquels viennent s’ajouter une hospitalité à toute épreuve et une soif de communication avec le monde occidental que nous représentons. Cette hospitalité est, de mon point de vue de visiteur, la caractéristique première de cette nation diablement chaleureuse.

 

 

Tout d’abord il est clair que le Taroff joue un rôle déterminant dans le comportement de ce peuple. Il s’agit d’une loi entendue – l’un des fondements de la culture iranienne à n’en pas douter – qui s’exprime avant tout envers l’étranger, mais aussi entre iraniens. C’est au travers de ce Taroff que verrez fréquemment un taxi refuser de se voir régler la course ou un restaurant refuser de remettre l’addition, prétextant l’invitation. Ils espèrent en réalité être réglés et il est alors entendu que le payeur doit insister une seconde fois, la plupart du temps refusée à son tour, et une troisième, généralement acceptée. Dans le cas contraire ce troisième refus signifie qu’il s’agit en effet d’une véritable invitation, et non « d’un Taroff ». Celui-ci se conjugue à toutes les sauces et si vous proposez par exemple un cookie à quelqu’un et que cette personne est intéressée, elle refusera systématiquement la première fois, souvent la la seconde ou finira par accepter la troisième fois. De même, si quelqu’un vous invite pour un thé ou un déjeuner, il est convenu que vous devez décliner une ou deux fois l’invitation avant d’accepter, si celle-ci tient toujours. Ce Taroff permet à tous de rester courtois les uns envers les autres et de proposer l’invitation, même si le cœur ou les moyens ne le permettent pas, et ainsi de ne pas perdre la face.

 

Le second élément qui crée cette ambiance extrêmement hospitalière est bien plus véritable et beaucoup moins codé : le plaisir d’accueillir, surtout des étrangers. C’est ainsi que, quotidiennement nous recevons – même après 2 refus de notre part – des invitations pour un thé, un repas ou une nuit. Et dès qu’il s’agit d’un séjour d’au moins quelques heures, les proches sont mis au courant et un festin est organisé en notre honneur. Pour les hôtes il relève véritablement de l’honneur que de nous avoir dans leur demeure et la fierté des propriétaires du lieu est toujours sensible quand les proches arrivent. Après quelques mots échangés avec les autres invités il n’est pas rare de recevoir une ou plusieurs autre invitation, pour le dîner ou le déjeuner du lendemain, et il nous est même arrivé à plusieurs reprises d’être les spectateurs d’une lutte – diplomatique – pour savoir qui aurait la chance de nous accueillir, ou de nous garder .

 

 

Enfin, la dernière composante qui vient cimenter cette incroyable hospitalité est à mon sens intimement liée au contexte géopolitique international et plus précisément au contre-pied pris par la majorité de la population. Tout d’abord les sanctions internationales isolent de plus en plus le pays et assez peu de touristes visitent désormais l’Iran, en grande raison à cause de la mauvaise et fausse publicité faites par les médias occidentaux. A ces sanctions internationales viennent s’ajouter les restrictions gouvernementales comme par exemple cette loi – largement enfreinte – qui interdit aux étrangers de pénétrer dans le domicile des iraniens, et qui nous a tout de même valu un contrôle policier après une pause thé chez un local. Par ailleurs le Rial iranien connaît en ce moment une inflation de plus de 20% et un taux de change extrêmement peu avantageux ce qui ne donne pas réellement la chance à l’iranien moyen d’envisager des vacances dans notre monde occidental, et encore moins d’y migrer. Enfin, même si les finances y permettent un voyage, l’obtention d’un visa Schengen – inutile d’évoquer le visa américain – relève d’un véritable parcours du combattant et est très souvent refuser, sans explication.

 

 

En définitive nous représentons une véritable source d’exotisme et d’ouverture au monde occidental pour ce peuple, et même si l’impression que nous sommes parfois comme des bêtes dans le zoo qu’est la demeure nos hôtes, l’accueil qui nous ai réservé est toujours merveilleux et enchanteur.

 

 

27/10/2013

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5 réactions à L’hospitalité iranienne, entre tradition et ouverture

  1. Tinmar a écrit:

    Sympa ce p’tit récit. Y z’en pensent quoi de leur nouveau président ?

  2. Florent G. a écrit:

    Tes articles sont toujours aussi rafraichissant, ludique et enrichissant. Tes descriptions des us et coutumes locaux à l’instar du « Taroff » et du Toast Géorgien m’ont vraiment fait sourire. Je jalouse toutes ces belles rencontres, tous ces beaux paysages et ces découvertes !

    Chapeau bas l’artiste pour tes photos et pour la qualité de tes articles qui ne cesse de croitre à chaque publication. La lecture de tes résumés passe crème. Keep up the good work !

    Au plaisir de te lire.
    Flo.

    • Boris a écrit:

      Merci pour ton commentaire Flo! Et si tu trouves tout cela rafraichissant et enrichissant je ne peux que te recommander de te lancer dans l’aventure ;)!
      Pour les photos il est possible qu’un nouveau site voit le jour un de ces 4!
      Biz. A bientôt.

  3. Merci de nous faire rêver ,Boris !
    Et vive l’amitié entre les peuples,da !
    Raph

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