Birmanie, Cap au Nord

L’arrivée au Myanmar se fait par la route et bien avant le lever du soleil. De Mae Sot en Thaïlande, je passe à Myawaddy où je rencontre le peuple birman et la Birmanie dont je rêve depuis longtemps. Après près d’un mois en Thaïlande, les quelques heures passées dans cette bourgade frontalière illustre déjà le clivage entre les terres voisines. L’occidental dirait facilement que la Birmanie « a 30 ans de retard », je m’en garderai bien. Bien que les Thaïs soient tout à fait sympathiques et chaleureux, l’accueil Birman est encore plus chaud et enthousiaste (que j’expliquerai davantage par la nouveauté de l’occidental que par une différence fondamentale de culture). C’est à 9h30, et après 3 heures à fureter dans Myawaddy que j’embarque dans un bus, direction Yangon. 3 heures de « route » de montagne dont je me demande encore comment le chauffeur nous en a sorti vivant et 15 heures de route au total. 15 heures de spectacles comique en birman dispensés à tue-tête, ce sera le prix à payer pour tout voyage en bus ici. C’est à 2 heures du matin que nous arrivons à Yangon.

Le microcosme des voyageurs

Quand on commence à voyager et à entrer dans le monde de ces voyageurs, on réalise souvent que le monde (ou du moins ce monde) est petit. Yangon en sera une belle illustration. Quelques jours plus tôt et alors que je cherche un hôte via la plateforme couchsurfing, je contacte 2 personnes : un Birman (qui est d’ailleurs le seul membre actif Birman de cs), et une allemande qui vient d’arriver à Yangon. Le soir je poste sur facebook quelques photos et explique que je me dirige en Birmanie. Manolo (rencontré à Dubaï il y a un an et que j’ai revu en Inde, puis à Berlin cet été pour son anniversaire) me donne alors les coordonnées d’une amie à lui qui vient d’emménager dans l’ex-capitale birmane. Il s’agit de la même personne, Estella. Et quand j’atteins son appartement je réalise que je l’ai déjà rencontré cet été à Berlin lors de l’anniversaire de notre ami commun. Mais ce n’est pas tout. Son colocataire, Janis, berlinois également mais rencontré à Yangon a aussi rencontré Manolo. C’était au Pakistan, tout début 2014. Incroyable… Et si je vous dis que Lone, le couchsurfer birman connait la fille qui m’a hébergé à Amman en Jordanie, vous me croyez ?? Bref, Estella étant assez occupée, c’est en compagnie de Janis que je découvre la vie d’expat’ à Yangon, une toute petite communauté qui m’a semblé tout à fait sympathique. Après 3 jours et 3 nuits à Yangon je me dirige vers la toute nouvelle capitale, un trajet effectué en train. Je connais bien les trains indiens, et croyez-moi, le train birman, c’est une véritable expédition. Si ça peut vous donner une idée des conditions de voyage, le train tressaute à tel point que mon disque dur ne peut rester connecté à mon ordinateur.

Etrange « capitale »

Naypyitaw c’est depuis 2005 la nouvelle capitale de la République de l’Union de Myanmar. Les raisons de cette relocalisation sont floues. Certains disent que ce choix a été fait dans la tradition royale birmane consistant à placer la capitale dans une zone centrale du pays, d’autres que c’est sa voyante qui lui aurait conseillé d’agir de la sorte afin de placer la capitale hors de la zone sismique… Je n’en sais rien. Mais ce qui m’a amené dans cette ville c’est la curiosité de la démesure. Je n’ai jamais visité Achgabat ou le Turkménistan mais je sais que les autoroutes à 10 voies, hôtels, ministères et universités poussent comme des champignons pour ensuite présenter un spectacle désolant de « désertitude ». Le Turkménistan est connu comme étant le second régime le plus totalitaire du monde (après la Corée du Nord), je ne connais pas le classement du Myanmar mais dans une démocratie à partie unique dirigée par la junte militaire depuis 1962, je m’attendais à trouver quelque chose de similaire. Ce que j’ai pu en voir, ce sont des villages aux alentours, et dans le nouveau « centre », rien. Ou plutôt des 2×5 voies dans tous les sens, des centaines de bâtiments identiques et tous aussi déserts les uns que les autres, des sièges de banques pas plus fréquentés, quant à la route périphérique du quartier des ambassades, elle est encore en construction alors que le quartier en lui-même en est encore au stade zéro  (ce quartier est pourtant dessiné sur toutes les cartes que j’ai pu trouver). Je vous laisse apprécier la balade dans la ville fantôme en images.

Bagan l’impériale

Nouvelle « nuit » dans les transports (bus cette fois) et j’arrive à Bagan à 2 heure du matin où finis ma nuit sur le banc de la réception. Bagan c’était la capitale de la Birmanie il y a un millénaire, et c’est pour honorer Buddha que le roi de l’époque a décidé de lancer la construction de milliers de temples. Si vous connaissez une image de la Birmanie, c’est celle des temples de Bagan dans le brouillard de l’aube. Certainement le lieu le plus touristique de la Birmanie, mais j’ai rapidement compris pourquoi. Malgré les dizaines de photographes asiatiques (rien d’étonnant ici me direz-vous) s’agglutinant sur les principaux temples, tous avec leur trépieds et leur gros appareils photos et qui gâchent un peu le spectacle, le grandiose de la scène me laisse bouche bée. Je passerai la journée entière à déambuler dans la plaine à bicyclette. La magie de la Birmanie c’est aussi que même pendant la saison la plus touristique et dans le lieu le plus en vue de tous, ce n’est jamais un problème de trouver le calme et de ne croiser aucun touriste durant des heures en traversant ces lieux majestueux assortis de quelques villages qui me semblent être restés authentiques malgré l’afflux de visiteurs étrangers depuis quelques années. En passant le matin j’avais repéré un ensemble de temples qui me semblait parfait pour un coucher de soleil dans le silence. Je fais le tour du « pâté de temples », j’observe, et finalement je vois une touriste au sommet de l’une de ces petites merveilles juste avant que la petite fille de l’homme en charge de ces temples me dise que qu’il est possible de grimper ce temple. Grimper le temple… hum, je fais le tour une fois, deux fois, pas d’escalier, et bien grimpons alors! J’arrive en haut et commence à discuter avec la touriste (française) quand le vieux monsieur arrive moitié paniqué, moitié rassuré de me voir sain et sauf. Il y avait des escaliers ! Il m’explique que si quelque chose m’était arrivé, il risquait la prison… Oups. J’essayerai d’être un peu moins stupide à l’avenir et c’est sur cette pensée que j’apprécie dans le calme le superbe coucher de soleil qui révèle au fur et à mesure de sa descente, les temples jusque lors invisibles.

Ambiance village

Pakokku sera ma prochaine destination. Petite ville à une heure au Nord de la touristique Bagan que j’ai dénichée en feuilletant un Lonely Planet. Et plus que la ville/village en elle-même, c’est aussi Mya Mya, la propriétaire de la Guest House Mya Yatanar  à qui je viens rendre visite. Une vieille dame fantastique, professeure d’anglais et qui tient cette guest house depuis plus de 30 ans. Elle n’hésite pas à ouvrir son cœur pour vous faire voyager en Birmanie, dans le temps et l’espace. Sa simple présence aurait suffi à faire de ce séjour à Pakokku une réussite mais les rues sableuses longeant la rivière Aye Yar Waddy et les habitations faites de bois et de bambou crée une atmosphère unique. Dans ces rues les enfants jouent et rient, les parents vaquent à leurs occupations, se reposent et discutent avec leur voisins, et tous ensemble vous lancent des grands sourires et des Mingalaba (bonjour). De la guest house, une minute de marche vous amène dans le lit de la rivière pratiquement à sec en cette période de l’année pour profiter d’un magnifique coucher de soleil alors que les femmes lavent le linge et les enfants jouent encore et toujours. Pittoresque serait un euphémisme.

Retour sur la route

En ce qui me concerne, je continue au lendemain de cette discussion enrichissante mon ascension vers le Nord, d’abord en bus, puis en bateau. Ou du moins, c’était le plan. Quand j’arrive à Monywa (prononcé Mohihua ; je ne me l’explique pas, mais ici rien ne se prononce comme c’est écrit, étrange !) pour me renseigner quant à l’heure et au prix du bateau, j’apprends que le prix pour les étrangers est 3 fois supérieurs à celui pour les locaux (soit de 21$ pour 12h de trajet). Cet argent va directement dans les caisses de l’Etat et pour ne pas soutenir le gouvernement dont je n’ai pas entendu beaucoup de bien (et aussi parce que ça fait cher), je change de plan et décide de quitter Monywa immédiatement (et qui est de toute manière sans grand intérêt). Direction Shwebo où j’arrive à la nuit tombé puis Katha par un bus de nuit. La population de ces villes de province me procure toujours un accueil chaleureux quand je déambule dans les rues avec mon appareil photo ou que je m’assoie dans un petit restaurant. Mais j’ai eu la chance de parler ici et là avec des locaux et malgré leurs joyeux Mingalaba et tous ces sourires plein de vie, je garde en tête que le quotidien de cette population birmane est bien loin d’être aussi rose que ne le montre leurs sourires plein de vie.

On est le 22 décembre, cela fait 10 jours que je suis en Birmanie et mon ascension vers le Nord se termine déjà.

02/01/2015

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2 réactions à Birmanie, Cap au Nord

  1. h a écrit:

    Chic… des nouvelles : et nouvelle année ( que je te souhaite la plus savoureuse possible )…

  2. le montagner raphael a écrit:

    Bonjour fiston !
    J’espère seulement que ton « disque dur » à toi se porte bien,ha ha .
    En tous les cas je constate que les nouvelles technologies (je parle pour moi …) créent du lien social ; on ne peut que s’en réjouir ,jeune homme .
    Bon trip ,prends soin de toi .
    Un gros becco sur ton museau…s’il n’est pas trop plein de poussière …

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