Après avoir traîné mes guêtres pendant une semaine entre villages de pêcheurs et désert rocailleux sur les petites îles du golfe persique, l’arrivée à Dubaï est quelque peu déroutante. Étant plus adepte des traditions anciennes et des villages pittoresques que des buildings de 50 étages fraîchement construits, c’est un peu à reculons que je m’y aventure, mais pousser par la promesse de l’obtention du visa indien sous 10 jours et d’un transit bon marché pour la terre de Gandhi.
Après 3 heures bloqué dans le port de Sharjah pour contrôle douanier inopiné c’est par une après midi paperasse que commence mon séjour aux Émirats. Cerise sur le gâteau, je n’ai réussi à trouver personne pour me loger, et croyez moi, pour les budgets serrés, ce n’est pas franchement une ville où il fait bon vivre . Courant d’après midi alors que j’avance péniblement dans mes démarches, une amie géorgienne vient aux nouvelles. Deux minutes plus tard elle me met en contact avec une amie rencontrée… au Romantik (jai le sentiment que cet hostel va me suivre pendant un moment). Et c’est par l’intermédiaire de cette amie, Sonell, que je vais rencontré d’autres personnes, et spécialement une certaine Shweta, qui va me faire pénétrer et apprécier l’univers aux multiples facettes de la folle ville de Dubai.
Je vous passe les détails bureaucratique, longs et ennuyants (tout spécialement pour moi), mais les 10 jours que je devais initialement passer aux Émirats Arabes Unis se transforme finalement en 3 semaines, et à l’exception d’un séjour de 3 jours à Abu Dhabi (où j’aurais tout de même eu la chance de me rendre dans l’un de ces nombreux camps d’ouvriers « exploités »), c’est à Dubai que les passerai, retenu par l’espoir chronique que mon passeport, accompagné de son tout nouveau visa indien arrive le jour suivant.
D’un point de vue architectural, et plus encore génie-civil, on aime ou on aime pas, mais la ville est fichtrement impressionnante. Entre les forêts d’immeubles de 60 étages et le Burj Khalifa, plus haut bâtiment du monde dont le sommet culmine fièrement à 830 mètres au dessus de l’asphalte, les marinas pénétrants l’intérieur des terres et les terres gagnées sur la mer où vivent des milliers de personnes, ou encore les pistes de ski et les golfes « vert bretons » construits au beau milieu d’un désert dans lequel les températures atteignent régulièrement les 50°C en été, c’est la folie des grandeurs et de la démesure. Les populations du Moyen-Orient sont célèbres pour leur rêves fous comme le montre par exemple le célèbre conte des milles et une nuits, mais les Emiratis semblent avoir suivi le chemin ouvert par Antoine de Saint Exupéri qui disait « Faites de votre vie un rêve, et de vos rêves une réalité ». Et en moins de temps qu’il en faut pour le dire. En effet il y a 100 ans, seulement 15 000 personnes vivait dans cette petite ville déjà réputé pour les affaires, il y a 50 ans ils étaient 60 000 et 20 ans 600 000 avec les premières tours qui voyaient alors le jour. Aujourd’hui ce sont plus de 2 millions de personnes qui peuplent la métropole et l’expansion est loin d’être finie. Ne cherchez pas l’authenticité ici, la « vieille ville » est encore en construction. Véridique ! A mon sens cette incroyable démesure est bel et bien ce qui représente l’authenticité et le charme de cette cité. Et vous le savez maintenant, ce qui m’intéresse dans un village, une ville ou une mégalopole, ce sont avant tout les gens qui y vivent, et ici surprise, 85% de la population est expatriée et pour une bonne part autour de la trentaine. On parle souvent de New-York comme étant la reine du melting pot mais c’est bien Dubaï, et plus largement les Emirats Arabes Unis qui remporte la médaille d’or.
Cependant tout ce beau monde ne cohabite pas réellement et il existe une ségrégation terrible entre les cols blancs et les cols bleu. Les premiers sont souvent indiens, européens ou américains, les seconds, pakistanais ou bengali, les premiers gagnent des salaires « occidentaux », les seconds quelques euros par jour tout au plus, les premiers habitent ces immenses tours situées au « cœur » de la ville, spacieuses et toujours accompagnés de luxueuses piscines, les seconds résident dans les camps crasseux dans lesquels 8 bons hommes s’entassent dans une chambre de 10m² pour plusieurs années et situés souvent à quelques dizaines de kilomètres de la ville où des cars dignes de bétaillères les ramassent le matin et les déposent le soir. J’ai le sentiment que partout dans le monde cette différence existe mais ici elle est exacerbée à un niveau absolument incroyable. Pour autant tout le monde vit ici avec un niveau de vie bien supérieur (cols bleus) ou au moins égal (cols blancs) à celui auquel il peut aspirer dans son propre pays. Dubaï est largement critiqué pour le traitement réservé à ces « workers », mais avec ses 85% d’étrangers de tous bords, ne serait-ce pas tout simplement le reflet du monde dans lequel nous vivons et refusons de manière hypocrite d’en accepter la réalité ?
Pour ma part, c’est avec les cols blancs que j’ai passé le plus clair de mon temps, ces banquiers, ingénieurs, consultants ou designers, venant des 4 coins du globe à la recherche d’un univers cosmopolite et d’un cadre de vie agréable (en hiver du moins). Presque toujours des gens sympathique et ouvert d’esprit, qui savent allier travail et loisir, des gens avec qui il est possible d’avoir des conversations intéressantes tout en s’amusant et finalement, tout comme mon arrivée mon départ se fait lui aussi un peu à contre-cœur. Les promesses de l’obtention rapide du visa indien n’ont pas été tenue mais ces 3 semaines viennent une fois encore confirmer mon intérêt pour les personnes qui font qu’une ville est ce qu’elle est.
10/01/2013
Le reportage photo est court mais illustre parfaitement le texte. Un mention spéciale pour les 2 premières qui sont belles, le sujet aussi, est-ce Shewta ? l’histoire ne le dit pas…
Magnifique texte. Très belle conclusion et la question générale qui y est posée ouvre totalement les yeux sur cet enjeu de globalisation melting-potien qui demeure un peu partout dans le monde. Je pense donc y répondre par l’affirmative quand au fait de voir Dubaï comme la projection (insoutenable tout de même) du monde dans lequel nous vivons.
En tout cas ravi que cette notion de philanthropie ne t’ai pas quittée et demeure, souvent citée par-ci et par là dans tous tes textes. Bon vent (comme dirait Georges Pernoud) et si tu as les moyens -ou le temps- jette un œil au magnifique « Ici et ailleurs » de l’ami Godard qui illustre tant bien que mal tes propos. Mais voir un film dans une aventure telle que celle-ci, ça doit être une autre paire de manche.
Ciao amigo.