Pérégrinations Israélo-Palestiniennes

 

C’est après 4 mois en France et en Europe que je reprends la route. Avant d’arriver en terre promise je fais stop à Bruxelles – que je rallie non sans mal – et un stop à Istanbul, que j’ai quitté l’année dernière dans une atmosphère gazée (Occupy Gezi), et que je redécouvre dans le même état, une ambiance stambouliote assez familière en somme. J’arrive finalement à Tel-Aviv le 7 octobre et mon séjour débute par 4 heures de détention à l’aéroport, principalement en raison de mon visa iranien et des deux extensions présentes sur mon passeport.

 

Israël

C’est de nuit que j’atteins l’appartement de Yakir et Adi situé sur au cœur de Tel-Aviv. Malgré l’accueil chaleureux de ces colocataires, une température de l’eau plus qu’agréable et la découverte de quelques coins sympathiques comme Jaffa, ville originelle située au sud de Tel-Aviv ; quelques jours dans la capitale de la fête israélienne me suffisent. Je n’y trouve pas l’ambiance authentique, j’ai le sentiment qu’il y manque un quelque chose. De tout manière c’est l’heure pour moi de prendre la direction de Jérusalem pour retrouver Alex, l’une de ces personnes rencontrées en voyage, l’une de ces rencontres qui se veut de fait éphémère et qui pourtant est vouée à s’ancrer dans le temps.

 

Je rencontre tout de suite bon nombre de ces compères et rentre vite dans leur univers, ou peut-être serait-il plus juste de dire qu’il m’adopte très rapidement. J’ai le droit à des visites guidées personnalisées dans la vieille ville, dans Mea She’arim et dans un bonne part des quartiers intéressants de la ville. Une bonne part mais pas tout, car comme vous le savez surement, il ne fait pas bon pour un israélien de se balader les quartiers de Jérusalem Est, officiellement part de la Cisjordanie mais sous le coup de l’occupation depuis la guerre des 6 jours… en 1967. Mes amis m’emmènent aussi à la Mer Morte, située à 400m sous le niveau de la mer, oui oui ! Le lieu dégage une atmosphère unique et le bain – quelque peu salé – est tout aussi unique. Pas de risque de couler ici, il est en revanche très facile de se baigner tout en lisant le journal  et en fumant une cigarette… Comme je le disais, un lieu unique.

 

Après ce premier séjour dans la capitale Israélo-Palestinienne, je prends la route du Nord, Haifa, Akko, Tzaft, Tveria et le lac du Kineret aussi connu sous le nom de la mer de Galilée où Jésus aurait marché sur l’eau. C’est à un rythme soutenu que je découvre ces endroits sympathiques, dans la montagne ou en bord de mer, mais c’est à Karmiel que je loge, chez les parents d’une amie d’amie, soyons honnête, cette ville n’a pas grand-chose à offrir. Un bar ou deux et quelques restaurants pour les 50 000 habitants et une architecture contemporaine pas moche mais sans charme. Une ville sortie de terre pour accueillir les nouveaux colons il y a exactement 50 ans après avoir exproprié 3 ans plus tôt les villageois qui vivaient depuis toujours sur cette terre. Sur la route qui me ramène à Tel Aviv je m’arrête quelques heures à Nazareth, ville très touristique car lieu de pèlerinage pour les chrétiens qui visitent la ville natale de Jésus et la basilique de l’Annonciation. Pour autant la ville est connue comme la capitale Arabe d’Israël  avec ces 70% de musulmans (et 30% de chrétiens). En s’écartant un peu de cette agitation trop touristique à mon goût je découvre la vieille ville, une vraie merveille. C’est pour moi, et avec Jérusalem, la plus belle ville israélienne avec ces vieilles pierres et ses magnifiques petites ruelles.

Retour à Tel-Aviv pour raison administrative, c’est en 24 heures et pour la modique somme de 17€ que j’obtiendrai mon visa Birman. Yes !! Pas de tourisme cette fois ci mais quelques détails égaille mon séjour, ce visa birman, mon Ipod qui ne fonctionnait plus depuis 6 mois remarche enfin et j’obtiens ma première publication, et qui plus est dans le Guardian ! C’est finalement avec la même impression que lors de ma première visite que je quitte la capitale de la fête israélienne. S’en suit un festival très sympathique, l’inD Negev, et très peu différents des festivals européens, à la différence près que celui-ci se passe au milieu du désert. Après un nouveau court séjour à Jérusalem où je me sens vraiment chez moi, c’est l’heure pour moi d’aller à la découverte de la Cisjordanie et de voir ce qu’il s’y passe.

 

Les territoires occupés

C’est à Ramallah que je débute mon séjour palestinien et tout de suite les «Hello, how are you ?», «Welcome in Palestine». Alors que je shoote dans le marché des fruits et légumes depuis 2 minutes, des commerçants m’invitent à m’assoir avec eux et m’offrent un café, heureux de « dialoguer » avec l’étranger que je suis. J’ai l’étrange impression, après avoir quitté la très occidentale terre d’Israël depuis une demi-heure de me replonger dans la chaleureuse et hospitalière ambiance iranienne. C’est Moomen, rencontré via le site couchsurfing qui m’hébergera cette nuit. Un couchsurfing original en cela que c’est dans le studio radio dans lequel il travaille que nous passerons la nuit. Avec le recul je me rends compte que c’est le genre de choses qui ne peut se passer dans nos pays occidentaux et qui fait partie du charme de ces pays musulmans dans lesquels l’atmosphère générale qui s’y dégage est beaucoup plus détendue que chez nous à bien des niveaux.

 

Le lendemain, Moomen, en bon hôte prends sa journée pour me faire découvrir Naplouse (quand je vous disais que c’était plus détendu), l’une de plus vieille ville au monde, dans laquelle les premiers habitants se seraient établis il y a environ 9000 ans. Je tombe immédiatement sous le charme de la vieille ville, qui n’a elle clairement pas 9000 ans, mais qui a pour autant conservé toute son authenticité. Un vrai petit bijou ! J’y passerai la nuit ce qui me donnera l’occasion de découvrir le calme de la cité de nuit, et l’effervescence du petit matin, les enfants en route pour l’école et les échoppes qui ouvrent progressivement, les unes après les autres. Mon seul regret à Naplouse est de n’avoir pas visité l’un des camps de réfugiés où vivent principalement les personnes qui se sont fait chassés de leur terre suite à la guerre de 6 jours en 1967 et qui vivent dans des conditions relativement précaires, et en marge de la municipalité de Naplouse car même près de 50 ans après leur expulsion, ils espèrent pouvoir un jour regagner leur foyer…

 

Il est encore tôt quand je prends la route de Jenin, ville au cœur du conflit israélo palestinien. Elle est située tout au Nord de la Cisjordanie et c’est l’une des nombreuses portions de territoires convoitées par le gouvernement israéliens. Pour autant – tout comme dans l’ensemble des villes que je découvre dans les territoires occupés – cette journée passée à fureter dans le marché ne me fera rien ressentir de tel. Des quelques échanges que j’ai durant cette journée à propos de l’occupation, n’émane aucune haine envers la population israélienne. Il en est bien sûr tout autre quant au gouvernement Netanyahu. Leur économie est vraiment dans un sale état, le taux de chômage extrêmement élevé, et par conséquent leurs conditions de vie profondément affecté par cette occupation, et c’est sans parler de leur liberté de mouvement dont je parlerai dans le prochain article. Mais Les Palestiniens ne sont pas résignés et espèrent voir les choses s’améliorer… Mon court séjour à Jenin me fera aussi découvrir le village de Burqin dans lequel Jésus réalisa un miracle en soignant 10 lépreux. Un petit village dans lequel sa population extrêmement accueillante évolue entre ruines et construction en cours.

 

Il est déjà l’heure pour moi de regagner Ramallah et je décide de le faire en stop. Ce sont 2 frères qui s’arrêtent pour moi, ils se dirigent en effet vers Ramallah mais font « quelques » détours en route. Ils sont grossistes dans l’industrie de la chaussure et parcourent la Cisjordanie ce jour pour collecter l’argent auprès de leurs revendeurs. Je passerai 6 heures avec eux, de villes en villages et de villages en villes. Ce sera pour moi l’une des expériences les plus intéressantes de ce premier séjour en Palestine. Ils ont une entreprise familiale à Hebron, dans le Sud, dans laquelle ils fabriquent leur soulier et importent également des chaussures de Turquie et de Chine. Ils m’expliquent qu’eux sont dans les 20% les mieux lotis des palestiniens (« Thanks God ! ») grâce à ce business mais que tout reste TRES compliqué en raison des nombreuses restrictions imposées  pour des raisons de « sécurité » israéliennes. Des restrictions qui touchent principalement l’import/export et la liberté de mouvement au sein même de la Cisjordanie en raison des zones très découpées A B et C, respectivement sous contrôle palestinien, israélo-palestinien, et israélien… J’y reviendrai. Une fois encore, cette expérience me montre à quel point le stop peut être enrichissant, tant d’un point de vue humain que part les contrés que j’ai eu la chance de traverser et que je n’aurais jamais aperçu autrement. Retour de nuit à Ramallah et visite de Jéricho le lendemain, plus vieille ville du monde (10000 ans, ça commence à faire). A la différence de Naplouse, pas vraiment de vieille ville ici et pourtant beaucoup de touristes, principalement des bus de Chrétiens venus du monde entier en pèlerinage à la découverte de lieux saints.  C’est peut-être en raison du rythme intense avec lequel je voyage ces derniers jours mais je ne trouve pas grand intérêt à m’éterniser à Jéricho et rentre donc à la maison, direction Jérusalem.

 

Après quelques jours à Jérusalem, le temps de poser les valises et de récupérer un peu (c’est un bien grand mot), je m’en vais découvrir Hebron avec une organisation d’anciens soldats israéliens y aillant servi. Hebron est aussi connue sous le nom de ville fantôme car, en raison de la colonisation qui prend place au cœur de la ville, toutes les échoppes ont été fermées manu militari il y a une vingtaine d’années. Le soir je passerai une nouvelle nuit à Ramallah en compagnie d’Elana, Jordano-Anglaise d’origine palestinienne qui a décidé par conviction de revenir sur la terre de ces ancêtres et qui travaille pour l’ONU. Le lendemain, je découvre Bethlehem et plus que la découverte des lieux saints qui en font aussi un lieu de pèlerinage, c’est autour du mur séparant cette cité de Jérusalem que je m’attarde. Je ne m’attarde pas ici sur ces 3 expériences tristement enrichissantes, mais vous pourrez en lire davantage dans l’article à venir : Sécurité israélienne vs. Liberté palestinienne.

 

Jérusalem

Je finis ce long récit par un court paragraphe sur Jérusalem qui durant l’ensemble de mon périple israélo-palestinien aura été mon camp de base, ma maison. Quand le voyage devient fatiguant, la route épuisante et la soif de découverte et de nouvelles rencontres étanchée, il est tellement agréable de retrouver un environnement connu dans lequel on peut faire le marché, faire à manger, passer du bon temps avec des amis, faire la fête, vaquer à ses occupations, vivre tout simplement. Plus qu’une ville musée c’est ce que Jérusalem a été pour moi durant l’ensemble de ce mois en terre sainte. Une après-midi à se balader dans la ville avec Alex ici et là ou à écrire et travailler sur mes photos, un concert la nuit venue, le vernissage d’une exposition, une visite des (très nombreux) amis barmans travaillant au Casino, au Mahsan ou dans les différents cafés de la ville…

 

C’est avec difficulté que je quitte cette ambiance dans laquelle je me sens si bien, direction Eilat, ville située sur la mer rouge, à l’extrême sud du territoire israélien. Il me faudra deux jours en stop pour rallier ma destination, en longeant la mer morte et en traversant le calme du désert. D’Eilat, je passe la frontière et rentre à Aqaba, en Jordanie.

 

De cette année et demie sur la route, à découvrir sans cesse de nouveaux endroits et y passer parfois quelques semaines, je pense que c’est Jérusalem – où plus précisément l’ambiance y régnant et les personnes que j’y ai rencontré – qui décroche la « palme ». Si vous avez lu mon précédent article vous comprendrez que je me situe en défenseur de la cause Palestinienne, pour autant Jérusalem restera dans mon cœur… Un excellent exemple qui nous montre encore une fois que les citoyens d’un pays et les gouvernements qui les dirigent sont des choses bien différentes.

 

Boris Le Montagner

15/11/2014

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3 réactions à Pérégrinations Israélo-Palestiniennes

  1. hélène a écrit:

    Bel article …et , comme d’hab. , bien belles photos !…

  2. dominique sindoni a écrit:

    Je n’avais pas été sur ton blog depuis longtemps et je pensais que tu étais rentré. Surprise !

    Quel voyage ! Impressionnant ! Très belles photos. Tu en prends plein les mirettes.

    Mais quand vas-tu t’arrêter ?

    Bonne route et belles rencontres…

    • Boris a écrit:

      Bonjour Dominique,

      J’ai en effet fait une « pause » cet été durant laquelle je suis revenu en France mais n’ai pour autant pas su m’arrêter de vagabonder en France et en Europe!
      Après un peu plus d’un mois entre Israël, Palestine et Jordanie, je suis maintenant en Thaïlande, et bientôt en Birmanie.
      Ca s’arrêtera pour un temps quand le porte monnaie dira stop, mais j’ai encore quelques mois devant moi à sillonner l’Asie du Sud Est.

      Au plaisir,
      Boris

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