Israël, Palestine, par Michel Warchawski

 

Après avoir passé de nombreuses heures à essayer d’organiser mes idées sur le conflit qui mine Israël et Palestine depuis plusieurs décennies, j’ai eu la chance d’assister à une conférence de ce grand monsieur, Michel Warshawski militant juif franco-israélien anti colonialiste, donnée à des parlementaires belges en délégation. J’en suis sorti les idées plus claires et ai décidé de reprendre les notions développées à cette occasion en y ajoutant mes observations personnelles après près d’un mois en Israël et une semaine en Palestine.

 

 

L’agressions estivale et la politique israélienne

Pour faire le point sur la situation, le militant anticolonialiste nous explique qu’il faut commencer par l’agression qu’a subi Gaza cet été. Une guerre opposant la 4ème armée du monde à  un 1,7millions de civils et  quelques milliers de combattants. Durant les nombreuses semaines qu’ont duré les attaques – principalement aériennes, différentes raisons ont été avancé pour poursuivre les frappes. Tout d’abord une réponse aux rockets (qui ont fait 3 morts du côté israélien en tout et pour tout), puis la destruction des tunnels clandestins, et enfin ultime justification : faire tomber le Hamas.

Le véritable objectif de cette opération était bien différent selon Michel Warchawski. Le but poursuivi par le gouvernement israélien était (et est toujours) une déstabilisation et une discréditation de Mahmoud Abbas, actuel président de l’Etat de Palestine (si l’on peut l’appeler ainsi) et membre du  Fatah. Dans l’esprit des dirigeants israéliens, c’était de ce point de vue une guerre gagnée d’avance. Soit en créant un amalgame entre Abbas et le Hamas (groupe considéré par beaucoup comme terroriste), soit en provoquant une distension entre Abbas et le Hamas, et donc entre Abbas et son peuple.

Finalement c’est par un match nul que s’est « terminé » cette agression estivale. M. Warchawski compare ce résultat à un match nul entre le Brésil et l’Algérie, autant dire une victoire Palestinienne (si l’on met de côté les 1100 morts et les destructions massives connu à Gaza cet été). Malgré ces conditions atroces dans lesquels vivent les gazaouis, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, il semblerait qu’une certaine vitalité règne dans ce territoire de 360km², rappelant à certains la vitalité des ghettos juif de la 2nd guerre mondiale… La victoire se traduit principalement par la promesse de l’Egypte et de la communauté internationale de reprendre des négociations de paix, mais cette victoire est partielle car Israël a obtenu que ces négociations ne se produisent pas avant 4 mois. Autant de temps pour l’Etat sioniste pour revenir sur ses engagements en invoquant des faits nouveaux sur d’autres fronts.

Si l’Etat d’Israël  refuse (au moins dans les faits) toute tentative pour aller vers un accord de paix, c’est pour une raison très simple. Même si les médias internationaux ne le dépeignent pas de la sorte, car ce ne serait pas acceptable ou politiquement correct, la stratégie est claire et non dissimulée. Cette stratégie se retrouve dans les textes officiels et l’on en comprend la substance en réécoutant Ariel Sharon qui disait il y a une dizaine d’années qu’  « Israël ne doit pas avoir de frontière », ou que « la paix n’est pas à venir, pas avant 50 ans » (ou 100 ans selon les discours…).

A l’heure actuelle Israël n’a aucune frontière à l’Est. Le Golan syrien a été annexé en 1967 après de la guerre de 6 jours et même si depuis lors il est israélien, la situation de ce territoire n’est pas encore totalement éclaircie. Les frontières avec la Jordanie sont définies uniquement pour la Jordanie, car en dépit des accords internationaux (les derniers, ceux d’Oslo en 1993), le colonialisme israélien se poursuit en Cisjordanie. Ce colonialisme est considéré par M. Warchawski comme le cœur de la politique israélienne. Plus que des papiers et des textes prouvant qu’une partie du territoire est israélienne ou non, Ariel Sharon, et aujourd’hui Benyamin Netanyahu, opte pour une « israélisation » des territoires en vues. Ce processus se traduit par la construction de colonies d’habitations dans lesquelles le gouvernement incite financièrement des israéliens à s’implanter, par la construction de stations essences ou d’usines – même inutile ou inoccupée – mais sur lesquelles flottent le drapeau affichant l’étoile de David et ainsi « israélise » le territoire concerné. Enfin, à l’instar des chemins de fer américains pendant la conquête du Far West (sur les territoires indiens), c’est la route 60 tracée pour desservir les infrastructures coloniales (et aucunement les villages palestiniens !)  qui traverse la Cisjordanie du Nord au Sud et sert d’axe de développement à cette colonisation.

Vous l’avez compris maintenant, quand Ariel Sharon disait « pas de frontière pour Israël » et « pas de paix avant 50 ans », les objectifs étaient clairs, agrandir le territoire avant d’engager quelconque processus de paix. La situation n’a pas changé. Cependant dans ce processus en cours pour la création d’un grand Etat d’Israël, un problème persiste : les palestiniens (les américains avaient trouvé la –triste – solution pendant la conquête du Far West). En effet les dirigeants israéliens veulent un Etat le plus grand possible, mais veulent plus encore un état à large majorité juive. Compte tenu de la démographie d’Israël, de la Cisjordanie, et de Gaza, la création de deux Etats est indispensable pour les sionistes. Mais les deux Etats revendiquent une continuité territoriale. Des études ont été menées quant à la possibilité de création de ponts et tunnels (système en 3D), créant une continuité pour Israël et pour la Palestine mais qui apparaissent comme totalement utopiques. Et quand bien même cette utopie soit réalisable, il n’y aurait aucun réel processus de paix mené avant quelques décennies, car selon M. Warchawski le seul processus en cours à l’heure actuelle est celui de la colonisation.

 

 

En Israël aujourd’hui

Même si ce sont aujourd’hui principalement les palestiniens qui souffrent du conflit et plus précisément de l’occupation, Israël s’enlise. Depuis 15 ans, la droite – de plus en plus extrême – est au pouvoir et crée un climat de haine raciale se renforçant quotidiennement au travers des discours racistes anti-palestiniens libérés des dirigeants et pouvant compter sur l’appui inconditionnel de la très grande majorité des médias israéliens. Ces 2 mois d’agression contre Gaza et les réponses du Hamas à coup de rocket créant un climat de peur et d’insécurité n’ont fait que nourrir cette idéologie. Mes amis israéliens qui ne peuvent tolérer ces discours nationalistes et racistes me disent que c’est pourtant bien ce qu’ils entendent quotidiennement dans la rue, sur un ton de plus en plus banalisée. Ne parlant pas hébreu il est difficile pour moi d’en juger. Cependant,  un matin alors que je buvais un café, deux personnes parlaient en français dans mon dos. L’amalgame entre Islam et terrorisme accompagné d’une incitation à la haine raciale dont j’ai été témoin m’a réellement choquée. En France (et en Europe), alors que nous connaissons une montée sans précédent et inquiétante du Front National et du racisme en général, ces discours restent globalement dissimulés et mal vus par l’opinion publique. En Israël, ce politiquement correct est d’un autre temps, un nouveau cap a été franchi. M. Warchawski nous dit dans cet article  avoir peur pour la première fois de sa vie. Même sans atteindre de telles extrémités, le lavage de cerveau médiatique en Israël incite – une majorité de la population je pense – à un sentiment de victimisation et à une justification des exactions d’Israël sous couvert d’auto défense.

Les jeunes israéliens progressistes qui ont grandi dans ce climat où politiques et médias alimentent quotidiennement cette haine raciale, sont las et ne savent plus que faire pour inverser cette tendance. Le phénomène d’accoutumance entraîne souvent un détachement de la situation et fermer les yeux devient alors le seul remède à cette violence quotidienne pour pouvoir continuer à vivre. Un phénomène nouveau et terriblement inquiétant pour M. Warshawski est l’émigration de ces jeunes qu’il caractérise comme la jeune population éduquée de classe moyenne. Quand faire l’autruche de devient plus possible, plus acceptable, alors la solution est parfois l’exil.  Si cette tendance s’accentue et s’ancre dans le temps, Israël verra cette proportion fasciste de la population grandir et l’espoir d’un avenir meilleur pour le peuple palestinien (et israélien), mourir à petit feu. Serait-il pertinent de rappeler ici que la seconde guerre mondiale débuta dans un climat de crise économique et de montée du nationalisme. Et il paraît que l’histoire se répète…

Récemment, 43 réservistes, 30 soldats et 10 officiers des services de renseignement israéliens (unité 8-200) ont signé une pétition dénonçant les pratiques de leurs services et en particulier le fichage systématique de l’ensemble de la population palestinienne et le processus visant à infiltrer la vie de chacun pour ensuite pouvoir faire pression sur les habitants, créer des tensions au sein des villages et finalement obtenir les informations escomptés profitant à la poursuite de la colonisation. Pour le militant anticolonialiste, cette pétition est l’une des seules lueurs d’espoir depuis longtemps d’un avenir meilleur pour cette société israélienne. Même si M. Warshawski veut rester positif quant à l’évolution de la situation, beaucoup sont désabusés et perdent progressivement tout optimisme.

 

Boris Le Montagner

02/11/2014

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