Lisinia project

 

Sorti d’Istanbul en voiture couchette avec Tobias et Bernt, il me faudra ensuite 2 jours pour rallier Burdur en stop. En stop ? Je vous ai déjà conté l’amabilité des turcs et leur souhait de toujours vous aider. Les 2 allemands ne sont pas encore partis que déjà deux autos s’arrêtent, quand ces personnes comprennent que je veux me rendre à Burdur (une dizaine d’heures de route), ils se disent que le meilleur moyen est bien évidemment pour moi de prendre le bus. C’est ainsi que – n’ayant pas vraiment la possibilité de communiquer avec eux – je me retrouve dans une station de bus, puis une seconde au milieu d’une grande ville. C’est finalement presque la moitié du trajet que je ferai en bus. Ainsi soit-il.

 

C’est en début d’après midi que j’arrive dans la ferme de Lisinia. Mehmet, dans un anglais hésitant, m’explique que 4 personnes y travaillent et qu’il y a 10 volontaires en ce moment. Ça fait du monde ! Australie, Autriche, Turquie, Ecosse, Angleterre, Jornadie, Corrée, Etats-Unis, Maroc, Italie… Des personnes venues du monde entier sont réunies ici, chacune avec leur histoire. C’est un grand melting pot auquel je ne m’attendais pas franchement. Je pensais davantage découvrir le terroir turc, les coutumes et la vie à la campagne en travaillant aux côtés de la population locale. Ainsi soit-il, seconde édition.

 

Les journées démarrent généralement vers 9h par un copieux petit déjeuner. A cette heure le soleil est déjà haut dans le ciel et aucun travail manuel n’est de tout repos. C’est souvent dans les champs que notre corps est mis à l’épreuve, les travaux sont divers. Parfois nous « oxygénons » les jeunes pousses de lavande ou arrachons les mauvaises herbes le long des interminables lignes, d’autres fois nous récoltons les fruits ou mettons en place des systèmes d’irrigation. Mais il arrive aussi que nous restions à la ferme pour confectionner des « composto », spécialité turque, aussi simple que délicieuse. Il s’agit simplement de fruits, poires, pêches, cerises, … découpés en petits morceaux, mis en bocal avec du sucre et de l’eau et cuit à basse température sur un feu de bois. Aussi simple que cela puisse paraître, le dessert obtenu est exceptionnel, accompagné de yaourt c’est un délice. Enfin la dernière tâche , journalière celle-ci et pas la plus déplaisante : nourrir le cochon et les nombreux rapaces convalescents que le vétérinaire et propriétaire de la ferme a recueilli.

 

 

 

L’ensemble de ces travaux prennent 2 à 3 heures par jour, autant dire que nous avons le temps de vaquer à nos occupations. Baignade dans le lac, randonnée en montagne ou bien plus simplement repos, jeu de carte et ordinateur à l’ombre de notre « tent » complètent ces journées dans le cadre idyllique que nous offre ce lieu reposant à l’écart de l’agitation. Pour ma part c’est également la première fois depuis des années que je n’ai plus de relation quotidienne avec l’argent. En effet, le principe d’un travail en échange d’un lit et de nourriture met la notion d’argent de côté, ajoutez à cela le fait que cette ferme est perdue dans la campagne et à l’écart de tout commerce, et le « j’aimerais bien mais c’est trop cher ! » ou « est-ce raisonnable que j’aille à ce week-end sur la côte ou à ce festival ? » n’est ici plus d’actualité. Qu’on le place au centre de nos pensées et de nos préoccupations, parqu’on a en trop ou pas assez ou bien qu’on le considère comme un simple moyen d’aller boire une bière avec les copains ou de s’offrir cette télé dont nous rêvions depuis ci longtemps, l’argent est omniprésent dans le quotidien de tout bon occidental. A Lisinia ces questions n’existent plus, et d’ailleurs le propriétaire ne souhaitent recevoir aucune bourse ou aide de qui que ce soit afin de mener son projet de ferme écologique comme il l’entend.

 

Bien que ni moi, ni les autres volontaires ne comprennent vraiment tout ce qui se passent dans cette ferme, j’ai l’intime sentiment que l’argent ou plus encore la rentabilité n’est vraiment pas au centre des préoccupations d’Ozturk, le propriétaire des lieux. En effet, mise à part les tâches quotidiennes comme le ménage, la cuisine ou le rangement c’est, comme je le disais, 2 à 3 heures par jour que nous contribuons au travail de la ferme, en échange de quoi il nous nourrit et nous loge tous. Je pense sincèrement qu’il est « perdant » et que cet échange de bons procédés n’est pas « rentable » pour lui. Par ailleurs, la barrière de la langue étant présente ici aussi, beaucoup des choses qui nous semblent étranges restent sans réponse (nous appelons cela communément la « Turkisk way », et utilisons l’expression une dizaine de fois par jour). Nous avons arrêté de chercher des explications qui ne viennent jamais mais pour autant je continue de m’interroger, et plus je m’interroge, plus je me dis que peut-être parce que l’argent et la rentabilité ne sont plus au centre du système qui nous entoure que nous avons les plus grandes difficultés à considérer les agissements de ces turcs comme « normaux » et à trouver les explications qui en découleraient, si nous étions dans ce référentiel.

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4 réactions à Lisinia project

  1. Nicole a écrit:

    Quelque soit la longueur de tes cheveux ou de ta barbe, je te reconnaitrai……grâce à ton tee-shirt bleu

  2. hélène a écrit:

    le propriétaire vend quand même ses produits j’imagine …mais ,sans doute, d’après ce que tu dis , juste pour « sur »vivre plutôt que pour faire plein de bénéfices …en tout cas ,belles photos ( j’ai un p’tit faible pour la « chambre » …et son -indipensable!-rouleau de PQ) , bonne ambiance et chouette reportage

  3. Manuel LM a écrit:

    super woofing !!
    Super les rapaces je comprends pourquoi tu mets « dangerous raptor » pour le seul des trois oiseux qui ne tue pas : ( pov’ pti vautour (à moins bien sur qu’il se soit montré agressif)
    Et sinon comme piste de réflexion pour vivre sans argent il y a l’expérience de Mark Boyle disponible gratuitement; évidement.
    http://www.moneylessmanifesto.org/book/foreword-by-charles-eisenstein/
    But it’s not translate, mais ca devrait pas te faire peur.
    Comme ca tu me raconteras :D.

  4. Ouais ,je ne connais personne qui soit totalement désintéressé ;je ne pense pas à l’argent;mais en effet ça serait intéressant de comprendre à quoi tourne son « moteur »,à ce brave homme ;pour ça faut déjà bien posséder la langue et …avoir bcp de chance de vraiment comprendre ….
    En attendant tu rencontres plein de monde ,c’est super !

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